[su_dropcap style= »simple » size= »5″]L[/su_dropcap]e dicton paysan « année de foin année de rien » existe sous de multiples déformations : « années en 1 années de rien », « Année à foin, année à rien », mais elles expriment toute la même idée : une année avec un été pluvieux fait pousser l’herbe mais n’est pas bonne pour le reste, en particulier pour la vigne. Ceux qui ont essayé de faire pousser des tomates dans leur jardin cette année ne me contrediront pas.
Et c’est bien ce qui s’est passé en 2021, avec des précipitations exceptionnelles en juillet et en août, qui ont déclenché des attaques violentes de mildiou, à tel point que les premières estimations font état d’une récolte 2021 détruite à 25-30% en Champagne. Dans certains secteurs particulièrement touchés comme la vallée de la Marne, les feuilles des vignes étaient complètement grillées dès le mois d’août, n’alimentant ni les grappes, ni les bois, qui auront du mal à porter de nouvelles grappes l’an prochain. Du jamais vu depuis longtemps.
Soi dit en passant, le mildiou est comme le virus du covid, un produit d’importation. Si les complotistes avaient situé l’origine du corona en Chine, semble-t-il à juste titre, le mildiou nous vient des Etats-Unis, tout comme le phylloxéra, l’oidium, et le wokisme. La mondialisation aussi, a des effets collatéraux.
Heureusement, dans la nature les catastrophes ne sont que rarement totales, la diversité des écosystèmes fournissant presque toujours des contextes favorables dans telle ou telle circonstances. Ainsi, notre climat des côtes du Sézannais, un peu plus sec que celui des autres crus, nous aura permis cette année, après avoir échappé au gel de mi-avril, d’échapper au mildiou, et la récolte 2021 est pour notre terroir raisonnablement généreuse, et d’une excellente qualité.
Il reste que le rendement maximum de cette année qui avait été fixé au 21 juillet (c’est à dire avant que la gravité des dégâts de mildiou ne soit connue) à 10.000 kilos hectares était très optimiste. Mais il traduit une reprise des ventes de vins pétillants en général, et de Champagne en particulier, qui ont eu beaucoup à souffrir de l’arrêt de tous les moments festifs pour cause de législation covid. Les ventes de champagne étant le baromètre du bonheur des Français, cette reprise est une bonne nouvelle.
L’année 2021 aura été moins précoce que de l’an dernier : si nous avions commencé à couper le 24 août en 2020, il aura fallu attendre le 14 septembre de cette année pour commencer les noirs. Il est cependant un peut tôt pour en conclure au refroidissement climatique !
Une des curiosité de cette année est que la maturité des noirs était plus avancée que celle des blancs. Aussi avons-nous du repenser le circuit de vendanges habituel: la petite équipe a été convoquée avant la grande, et a vendangé complètement les Marcottes – superbes, puis les Chaillots, toujours à la peine, et les extrémités de Cuche-Moiselle, ces deux dernières parcelles étant traditionnellement vendangées par la grande équipe. Et le lendemain, les Gras d’huile ont été récoltés en totalité, tandis que sa surface de Chardonnay de Cuche-Moiselle aura été confiée à la grande équipe.
La petite équipe a été cette année copieusement « baptisée » (private joke…), par une pluie délicate mais insistante le mardi, et très mouillée le mercredi. Cela faisait au moins quinze ans que nous faisions les vendanges au soleil, et cela nous a fait le plus grand bien de rencontrer des circonstances qui nous ramènent aux conditions difficiles des grands anciens, qui ne craignaient pas d’affronter le gel du matin, la pluie et la boue toute la journée, aux époques pas si lointaines où les vendanges se pratiquaient fin septembre ou début octobre. La jeune génération s’est bien comportée, conservant sa bonne humeur et son efficacité, et la prochaine glaciation pourra être envisagée avec sérénité.
La récolte de cette année est d’excellente qualité. Dès le 6 septembre, nous étions à 9° dans les blancs, soit un degré de plus que la moyenne du secteur (sans que cette curiosité ne trouve pour l’heure une explication satisfaisante). Le botrytis était peu présent, sauf dans les noirs des Chaillots, comme presque tous les ans. La qualité sanitaire de la récolte, si elle n’atteint pas la perfection de l’an dernier, est cependant excellente, surtout avec le léger tri de grappes demandée aux cueilleurs. Le taux de sucre ne fait pas tout, il y a surtout la maturité aromatique, mais le caractère propre de l’année 2021 s’annonce prometteur.
La petite équipe de cette année a été ravie d’accueillir beaucoup de nouveaux : Yen, coupeuse d’élite, Jessy, débardeur de compétition, Blanche, future vigneronne, Laetitia et Marie (redoublante), venues de Paris en vélo, et reparties par le même moyen, Anne-Sophie, à qui les boissons d’hommes ne font pas peur. Félicitations à tous, car les champenois n’ont pas trouvé à médire à votre sujet, même aidés par les Ardennais, c’est dire que vous avez été excellents, aidés par une équipe de débardeurs maintenant rôdé, regroupant Olivier (qui a un peu baissé cette année, il n’a rapporté qu’un lapin au lieu du sanglier habituel…), Pierre, Jean-Emmanuel et Richard.
Merci encore une fois de plus à Maryse et à Jean, dont l’hospitalité devient légendaire.
Photos 2021
Petite équipe 2021
Les vendangeurs au travail
Les casse-croutes
Les dîners de Beaunay
Petite équipe 2021
Le retour des coureuses
Ce n’est pas une blague, Laetitia et Marie sont bien revenues à Paris … à vélo !