L’année 2017 n’a pas été très favorable à la vigne dans la douce France : gels et grêles se sont donné le mot, et resteront les principaux coupables de la plus petite récolte depuis 1945 : « seulement » 5 milliards de bouteilles (ou 37 millions d’hectos, si vous préférez).
En Champagne, l’hiver s’était installé brutalement début décembre (-9° à Épernay) et jusque Janvier, il faisait très froid dans les galipes, avec des températures inférieures de 3° aux moyennes habituelles, et très peu de pluie. En Février, les températures remontent un peu, mais il faut attendre mars pour retrouver la pluie, via les giboulées de saison. Début avril, les températures deviennent d’un coup quasi estivales (25° enregistrés), ce qui provoque un débourrement hâtif au début du mois, avec une semaine d’avance. Mais du 18 au 29 avril, le gel revient violemment, et les températures redescendent entre -5 et -8, détruisant un quart des bourgeons, un peu plus dans l’Aube.
Puis c’est de nouveau la canicule : dès le moi de mai, les températures sont aux alentours de 30°, et 20° la nuit, toujours avec une pluviométrie très faible. La vigne pousse vite, ne semblant pas souffrir du déficit d’eau, et fleurit aux alentours du 10 juin, ce qui est presque normal (la moyenne des dix dernières années se situe au 14 juin). Sur les secteurs gelés, des contre-bourgeons – contre-manifestants biologiques – ont pu fructifier et pallier partiellement les dégâts du froid. L’état sanitaire est excellent, durant ces mois très secs. Le moral des vignerons aussi.
Le 31 du mois de Juillet, des orages de grêle, très inattendus, éclatent en Champagne et blessent les baies. Durant le mois d’août, anormalement froid, ces orages vont continuer à faire des dégâts sur les baies, favorisant le développement du botrytis. Les grappes murissent très vite, et c’est à Montgueux que revient l’honneur de donner les premiers coups de sécateur, dès le 26 août, ce qui fait de 2017 une des années les plus précoces depuis 1950 après 2003, 2007 et 2011.
Chaque année, en fonction du potentiel de l’année, le CIVC retient un taux de sucre attendu : cette année, compte-tenu de ses caractéristiques, ce taux avait été fixé à 9,5° d’alcool potentiel. Pour la Champagne, c’est un taux très élevé (j’ai entendu des anciens – était-ce exagération ? – se souvenir d’avoir récolté des raisins à 7, voire 6 et demi…). Combiné cette année à des conditions de sensibilité à la fois au botrytis, et à la désormais célèbre mouche suzukii, certains ont été durement surpris : venus le lundi admirer la beauté des raisins meuniers, ils sont revenus la vendanger jeudi : trop tard, en quatre jours, les raisins avaient tournés, la parcelle, si belle il y a quatre jours, n’était plus vendangeable.
En ce qui nous concerne, nous avons encore une fois été très chanceux. Les dégâts du gel et des orages de grêle ont été insignifiants, et cette année, nous avions quelque peu bouleversé l’organisation habituelle pour récolter la totalité des meuniers de Beaunay dès le premier jour d’ouverture avec la petite équipe, bien que la moitié de la parcelle soit normalement affectée à la grande. Un peu compliqué, car il a fallu aller livrer directement à Tours sur Marne la partie SCEV, tandis que Beaunay pressait la partie maternelle. La grande équipe, réquisitionnée deux jours plus tard, a pu ainsi terminer les surfaces normalement affectées à la petite sur les Chardonnay de Barbonne. Bien que les quantités attendues fussent moindres que celles espérées, l’appellation de cette année 10.300 kgs par hectares, a été atteinte. (Ces détails sont destinés aux initiés qui seuls comprendront, mais sachez au final que bien nous en a pris !)
Et quid de la qualité ? Bien sûr, il a fallu trier les raisins davantage que d’habitude, pour laisser les grappes touchées par le botrytis. Mais au pressoir, les jus sont superbes : taux de sucre élevé, « et en même temps », comme dirait Jupiter, une belle acidité, ce sont d’heureux auspices, qui nous promettent, peut-être, un millésime remarquable cette année, ce que nous saurons plus précisément à la dégustation des vins clairs, en février-mars (si vous souhaitez y participer, sachez que c’est possible).
Et comme toujours, si les vendanges ne sont pas des vacances, ce sont des moments heureux de travail terrien, de saine fatigue, dans la bonne humeur, pour laquelle nous devons remercier tout particulièrement la famille qui nous accueille à Beaunay, et le pressoir de Fontaine-Denis, quin s’il n’est pas aussi traditionnel que l’équipe de pressureurs inoxydables et les vieux « 4000 » du pressoir historique de Saudoy, a su perpétuer l’esprit de convivialité qui nous est cher.
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