Et il s’appelle Henkell.
Quand on parle de bulles, celles qui viennent à l’esprit du lecteur de ce site sont immédiatement celles, distinguées, du Champagne. Pour autant, le Champagne est classé, pour les analystes commerciaux, dans les « sparklings », les effervescents. Et dans cette catégorie, nous voisinons notamment avec les Cavas espagnols, les Proseccos italiens, et encore d’autres vins effervescents comme les Crémants, les Blanquettes, et autres vins de Saumur.
Or l’allemand Henkell (pas Henkel, un autre allemand, qui produit Décap’Four, Rubson et Téraxyl, mais bien Henkell, filiale vin du groupe Dr Oatker – 500 millions € CA 2016, 250 millions de bouteilles) vient de racheter, pour 220 millions d’euros, 50.67% du capital de Freixenet (530 millions € CA 2016). Freixenet est leader du Cava dans le monde, tandis qu’Henkell possède Mionetto, leader mondial du Prosecco, ainsi que la maque Henkell Trocken, le vin effervescent le plus vendu en Allemagne.
Freixinet possède des vignes en Espagne, aux US, en Agentine, en Australie. Elle détient le négociant bordelais Yvon Mau, et la maison de champagne Henri Abelé. Henkell a des vignes en Espagne aussi, en Italie, en Hongrie. Il détient la maison Gratien & Meyer (Saumur), et la marque de Champagne Alfred Gatien (Epernay).
Il ne reste plus que l’aval des autorités anti-trust – on peut se demander lesquelles -, pour que la transaction soit effective, et donne naissance au leader mondial des vins effervescents.
En terme de produit, il y a quelque chose de dérangeant au royaume du capital : si tel ou tel vigneron, ou maison de Champagne, vend un sol et un climat, un savoir-faire, des traditions, une personnalité, des choix subjectifs et quelquefois erronés, les méthodes industrielles des grands groupes poussent par définition à la normalisation, à la négation de ces aléas de caractère, de diversité ou de lieu. Il n’est pas certain que le produit en sorte gagnant.
Et pour ce qui concerne l’aspect social, il est probable qu’il ne se trouve que peu de vignerons à se réjouir de voir les exploitations qu’ils menaient de leur propre chef se fondre aux énormes domaines de world-companies, « anonymes et vagabondes », où le lien entre capital et travail s’estompe, conséquence d’une mondialisation subie et inorganisée.