Vendanges 2019 : un grand millésime à venir ?

Il n’est pas nécessaire de s’appeler Greta Thunberg pour remarquer que l’année 2019 a été marquée par quelques événements climatiques inhabituels, notamment cette canicule de fin juin, où la Champagne a atteint 42,9°, un record. Poussant profondément ses racines dans la craie, les ceps Champenois n’ont pas trop souffert, mais ceux de nos collègues du Languedoc (45°) ont desséché sur place.

Nous avons également subi des gelées tardives, d’autant plus destructrices qu’elles survenaient sur des bourgeons déjà sortis. La parcelle de Lancourt, spécialement, a été sévèrement pincée. Et aussi ces vagues d’orages du mois de juillet. Le 9 août, un orage de grêle particulièrement intense a ravagé le vignoble de Saudoy, le village voisin. Raisins détruits, mais également bois blessés, nécrosés, compromettant la récolte de l’an prochain. Nous avons été relativement épargnés, cette grêle ne causant pour nous « que » 20% de dommages, le soleil venant heureusement sécher les blessures des baies touchées par les grêlons. La vague d’oïdium (non, pas imodium, Marie-Paule !) qui a touché gravement la Côte des Blancs, toute proche de Beaunay, au point de rendre impossible la récolte de certaines parcelles, nous a complètement épargné. Et si la canicule, spécialement ceux qui avaient pratiqué l’effeuillage précoce, a pu échauder les raisins entre 5 et 15%, nous n’avons été que faiblement touchés, n’étant jamais en avance sur les rognages…

Les points positifs n’ont pas manqué, cependant. Le printemps, humide mais pas trop (moins de mildiou), était parfait. L’été, chaud et ensoleillé, a permis une bonne maturation. Les nuits, plutôt fraîches en fin de maturation, ont permis aux raisins de développer un excellent potentiel aromatique (un différentiel jour-nuit important est favorable à la vigne). Et la relative sécheresse de l’été a été profitable à la vigne, qui aime bien le sec. La dégradation théorique de l’acide malique par les températures élevées, n’a pas été observée dans les proportions habituelles. A tel point que nous avons cru à un moment qu’il faudrait reculer les dates de vendanges : si le taux de sucre était très largement atteint (entre 10,8 et 11,5), le taux d’acidité était encore un peu trop élevé. Mais les derniers jours ont été bénéfiques et l’équilibre sucre/acide est revenu à des valeurs parfaites.

Greta Thunberg pourrait nous parler de l’avancement de la date des vendanges, et elle aurait raison. Les Anciens de chez nous disaient qu’il fallait 100 jours entre la fleur et la vendange, mais nous sommes maintenant plutôt sur 83, même si la vendange de cette année n’est pas aussi précoce que celle de l’an dernier.

Voici une courbe intéressante : elle montre que dans les années 60, la Champagne vendangeait le 20 septembre, voire tout début octobre en 1980. Puis cette courbe s’est mise à descendre, pour arriver au 5 septembre dès les années 2010. Cette année, nous avons commencé le 9 (Beaunay était ouvert le 6).

Que dire ? Que le réchauffement climatique est une évidence. Sur ses causes, je laisse le soin à Greta Thunberg de nous expliquer tout cela, et à nos politiques… de s’agiter fébrilement comme si l’anthropie en était la cause, et d’agir comme si elle ne l’était pas. Du moins, c’est ce que nous pouvons observer en ce moment.

Evolution des dates de vendange de 1953 à 2014

Un peu avant les vendanges, je vais souvent goûter les raisins, et cette année, je m’étais dit qu’ils étaient vraiment intéressants : de la légèreté, de la personnalité, et du caractère, de vrais raisins Champenois. Et les vendanges ne m’ont pas démenti : nous avons rentré un raisin magnifique, dans un état sanitaire quasi-parfait, qui devrait permettre de faire un excellent millésime. 2018 nous avait donné une récolte pléthorique d’une perfection technique absolue – mais ce qui est trop parfait est souvent ennuyeux, paradoxalement – , alors que 2019 nous donne une récolte de moindre volume, mais d’une personnalité très intéressante. Réservez vite vos bouteilles de la vendanges 2019 !

Du point de vue de la récolte, « que du bonheur », selon l’expression consacrée. Une équipe de débardeurs « fingers in the nose », une petite équipe à l’efficacité boostée par la nourriture anti-homéopathique de Maryse, et une grande équipe carburant au Ratafia, le tout sous un délicieux soleil de fin d’été, sans une goutte de pluie, que voulez-vous de mieux ? Dans certaines exploitations, les vendangeurs payent pour venir vendanger – on appelle ça du tourisme oenologique – je crois que je vais bientôt y penser !

Et il faut aussi signaler deux belles surprises cette année.

La première grande surprise a été la venue de clients d’au delà des mers, venus vendanger avec nous. Excellents connaisseurs du Champagne, et grands amateurs du Champagne Gérard Neuville, ils nous sont arrivés directement d’Abidjan (après un repos médité à l’hôtel Jean Moët, quand même !). Armés d’un seau et d’une épinette, il se sont mesurés à la faible hauteur des raisins à récolter – au bout d’un moment, cela peut faire mal au dos, et à la nécessité de ne pas couper ensemble au même endroit, si on veut avoir autant de doigts à la fin qu’au début. Heureusement, ils ont donné leurs premiers coups de sécateurs dans une vigne de Pinots noir, plus visibles que les Chardonnay. Nous espérons bien les avoir l’an prochain de nouveau en renfort !

La seconde surpris de cette année a été le niveau d’excellence des « Parisiennes ». Dans la petite équipe, il est de tradition et de bonne guerre qu’un certaine émulation oppose les Champenois et les étrangers, dont les Parisiennes, les Champenois ne se privant pas de se prévaloir de leur efficacité supérieure dans les vignes. Mais cette année, nous avions des Parisiennes d’élite, qui ont absolument subjugué les Champenois, à l’unanimité : efficaces (il a fallu que Maryse leur demande de ne pas courir, c’est dire !), souriantes, serviables, et chantant du Johnny dans les galipes, au grand plaisir de Franck. Du jamais vu. Chapeau, les filles, mais vous avez mis la barre très haute pour les Parisiennes de l’an prochain !

Merci à tous ceux qui ont pris des photos, les voici.

 

 

 

 

 

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3 commentaires sur « Vendanges 2019 : un grand millésime à venir ? »

  • Pas mal Etienne le petit bla bla bla……. je reste sur mes paroles vis à vis des petites parisiennes elles étaient au top (à réserver pour l’ an prochain) quant à Marie-Paule elle garde en souvenir la maladie de la vigne voir….. l’imodium moins dangereux que l’odïum et moins onéreux que l’opium ! Au plaisir de revoir nos Africains qui ont été bien courageux de vouloir couper avec des vendangeurs de métier. A très bientôt pour une prochaine commande pour Abidjan celle-ci sera préparée avec amour !

  • C’est avec grand plaisir que je découvre une seconde fois ce site.
    L’histoire de l’imodium et de l’odïum c’était une plaisanterie.
    Une bonne ambiance encore cette année !
    Merci Etienne, Maryse et Jean.

  • Magnifique développement on sent le bonheur de cette récolte de grande qualité et la chaleureuse émulation entre les équipes et la gaîeté et la joie qui ont régné autour de ces raisins.
    Et puis, quel bonheur en perspective pour nos papilles.
    Nos fêtes et notre quotidien vont pétiller.
    Merci Gérard Neuville d’avoir semé, merci Etienne de persévérer et de perpétuer.
    Et c’est ainsi que Dieu est Grand.
    Que le Seigneur vous bénisse, terroir, champenois, parisiennes, africains, Maryse et Etienne

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