La vertu sans le mérite

Il y a des vertus que l’on acquiert d’autant plus facilement que les circonstances nous rendent incapable du vice contraire. Ce qui faisait dire à La Rochefoucauld, délicieusement cynique, que « les vieillards aiment à donner de bons préceptes, pour se consoler de n’être plus en état de donner de mauvais exemples ».

Il en va ainsi des coiffes de surbouchage.

Cet élément de l’habillage est constitué d’un matériau associant polymère et aluminium. Si l’on trouve toujours le pétrole nécessaire à la production du polymère, l’aluminium est en crise depuis octobre 2022, et nous avons les plus grandes difficultés, comme toutes les maisons Champenoises, à nous approvisionner.

La filière aluminium n’est pas la seule à être perturbée : les imprimeurs d’étiquettes, confrontés à la hausse de la demande et aux difficultés d’approvisionnement en papiers spéciaux, encres, produits de dorure, ont des délais de fabrication doubles ou triples. Et les fabricants de bouteilles ont vu leurs coûts de production augmenter vertigineusement.

Pour les coiffes de la gamme Prestige, nous avions trouvé une première capsule de remplacement, assez jolie, puis une seconde après l’épuisement de la première, mais nous avons aussi terminé ce stock. A un moment, faute de pouvoir décemment expédier nos bouteilles à moitié nues, nous avions cessé la commercialisation de la gamme Prestige.

Pour le Blanc de Blancs, le scénario est presque semblable : après avoir consommé le stock d’une première capsule de remplacement, sur les conseils avisés du magasinier de Congy, nous avons réussi à mettre la main sur quelques cartons d’une coiffe de remplacement dans un stock d’Avize. Nous avons tenu ainsi jusque janvier 2023, il nous a fallu ensuite user d’expéedients.

Pour le Brut et le Rosé, le stock de coiffes était plus important et nous avons tenu jusque Pâques, puis dû utiliser des coiffes alternatives.

Quelle visibilité ? Aucune. Les explications à cette crise sont de deux ordres. D’une part environ 80% de la production d’alumine vient de Russie, ce pays ayant quelques motifs à ne pas trouver excessivement amicale la politique menée par la France à son endroit, et d’autre part le prix de l’électricité, à cause d’un traité européen lunaire, est indexé sur le prix du gaz et a donc subi des hausses stratosphériques (merci à nos amis Anglais ou Américains d’avoir fait sauter les gazoducs Nord-Stream I et II…, et merci à ceux de nos politiques qui ont bousillé la filière nucléaire nationale pour s’assurer des voix écologistes). Or il faut de l’alumine et 15 mégawatts/heure pour produire une tonne d’aluminium. La filière risque de devoir aller s’approvisionner sur le marché mondial, mais il faut quelques délais à un patron d’usine pour se résoudre à fermer ses électrolyseurs. Ce qui reste étrange, c’est que cette crise avait commencé cinq mois avant la guerre en Ukraine, circonstance pour laquelle nous n’avons pas trouvé d’explication.

Réagissant à cette pénurie (mais il paraît que c’était aussi une demande de viticulteurs bio), le Syndicat Général des Vignerons a pris l’initiative d’étudier des solutions alternatives à la coiffe traditionnelle, et l’alternative en question est … en papier ! Ci-dessous les deux modèles qui seront bientôt proposés.

Bien qu’elle soit beaucoup plus chère que la coiffe traditionnelle, étant en papier issus d’une ressource renouvelable, elle relève donc de qualités d’éco-responsabilité très à la mode actuellement, particulièrement par chez ces « lascars qui fixent le prix de la betterave et qui ne sauraient pas faire pousser des radis »*.

Cette haute vertu, issue des circonstances plus que d’une recherche éthique, est donc assez peu méritoire dans ce contexte de la crise de la filière aluminium. Elle nous aidera – peut-être – à moins regretter les coiffes affreusement éco-irresponsables précédentes, mais qui étaient tellement plus élégantes…

*Audiard, bien sûr.

 

Dû au caractère aléatoire de la disposition des coiffes de surbouchage, il peut arriver que les bouteilles ne soient pas équipées des coiffes habituelles, voire que plusieurs coiffes différentes soient utilisées pour la même livraison ! Heureusement, cela ne change rien au contenu des bouteilles. Néanmoins, nous vous prions par avance de nous excuser de cet éventuel désagrément.

 

Exemples de variations d’habillage

Cuvée Prestige

Coiffes Prestige : Originale, premier remplacement, second remplacement…

Il nous est même arrivé, pour calmer des soifs urgentes, de délivrer des bouteilles de Prestige sans coiffes !!

 

Demi-bouteilles

Voici l’habillage de remplacement des demi-bouteilles, avec des coiffes sans collerette. Pas si mal, en fait !

8 commentaires sur « La vertu sans le mérite »

    • Oui, oui, ce n’est pas parce qu’il s’agit d’une chaîne d’information contrôlée par l’état que France-Info ne dit jamais de choses intéressantes 😉

    • Il faut reconnaître que l’idée est originale ! Pour la Champagne, la pression interne des bouteilles de champagne, 6 à 8 bars, ne permettrait pas l’usage de cette technologie. Mais « autrefois », la filière récupérait, lavait, et réutilisait les bouteilles. On y reviendra peut-être ?

  • C’est absolument effarant. Pour possible qu’il soit d’y comprendre quelque chose, nous avons donc un état qui fabrique de l’électricité à 40-50 euros du mégawatt (environ), qui le revend à des intermédiaires qui eux le proposent à 300-400 euros ? Ce qui s’appelle rien moins que du vol, avec l’inconvénient supplémentaire de faire peser un risque mortel sur toutes les entreprises utilisant cette énergie.

    • Effectivement, la politique menée par le gouvernement français pour l’énergie risque de coûter la vie à de nombreuses d’entreprises françaises, les unes parce qu’elles utilisent beaucoup d’électricité dans leurs process, les autres parce qu’elles dépendent des premières. Les motifs de cette politique restent éminemment inintelligibles.

      • Inintelligible, c’est trop modeste. L’audition de Ségolène Royal, devant expliquer la prise de décision de la fermeture des réacteurs nucléaires (elle en était le ministre à l’époque) à la commission d’enquête de l’assemblée nationale sur la souveraineté énergétique explique benoitement que cette décision était purement politique, et qu’elle a été prise sans instruction, sans étude d’impact, rien. C’est profondément honteux : pour rester au pouvoir, ces gens là n’ont aucun scrupule, et ont donc décidé une mesure qui sept ans plus tard est la cause de la fermeture de multiples entreprises, d’un chambardement de la production artisanale et industrielle, et du déclassement continu de la France sur la scène mondiale. Et ces gens là (elle n’était pas seule, Hollande, Valls, etc. sont tous aussi coupables qu’elle), une fois de plus, sont totalement irresponsables car ils ne seront pas sanctionnés…

        • J’ai été écouter cette audition, et effectivement, il semble bien que cette décision de fermer les réacteurs nucléaires soit purement politique. C’est effarant : on ne peut demander à personne de prendre tout le temps les bonnes décisions, puisque bien souvent c’est la fin du film qui en fera une bonne ou mauvaise, mais il est inadmissible que ces décisions soient prises sans réfléchir. Et dans notre pays, on sanctionne l’automobiliste qui dépasse de 5 la vitesse réglementaire, mais pour des forfaits de ce genre, à plusieurs milliards faute de pouvoir chiffrer le coût humain, apparemment, il n’y a pas de sanctions…

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