17 septembre 2017

Le pressurage

Et de Beaune et d’Aï les rives fortunées,
Et la riche Aquitaine, et les hauts Pyrénées,
Sous leurs bruyants pressoirs font couler en ruisseaux
Des vins délicieux mûris sur leurs coteaux.

André Chénier (A la France)

Le pressurage est un facteur essentiel de qualité pour les vins de Champagne, et il est effectué en Champagne selon des règles qui n’ont presque pas changé depuis le XVIII° siècle. Ce qui a changé, c’est la règlementation, la plus stricte du monde, tous les centres de pressurage devant respecter un cahier des charges très rigoureux, et être agrées par l’INAO. Cependant, pour une fois, la rigueur de cette règlementation peut être considérée non comme une contrainte, mais comme un gage d’excellence.

Les deux grandes idées Champenoises pour ce qui concerne le pressurage, sont la douceur de l’extraction des jus, et le fractionnement des moûts.

Une extraction douce

Pourquoi cette particulière attention à la qualité de l’extraction ? Parce qu’il faut répondre au défi de faire du vin blanc avec du raisin noir.

D’où la nécessité d’apporter au pressoir des grappes entières, et de les pressurer le plus rapidement possible après la cueillette (en moyenne 4 heures après), sans foulage.

L’opération de pressurage est effectuée lentement (de 3 à 5 heures pour un marc de 4000 kilos), en plusieurs paliers, sous des pressions croissantes mais qui restent très faibles (de 1 à 1.6 kgs au cm², 2 au maximum), pour éviter de « tacher » le jus, c’est à dire d’extraire également les éléments colorés qui ne sont pas souhaités. Le problème ne se pose pas avec des raisins blancs, mais la même technique de pressurage est appliquée.

Le fractionnement des moûts

Pour faire du vin, la science contemporaine énonce qu’il faut du sucre, de l’acide tartrique, de l’acide malique, et du potassium. Or ces éléments sont situés dans des endroits différents de la baie de raisin, et ne réagissent pas de la même façon au pressurage. La périphérie de la baie est riche en potassium, sa zone centrale contient les tanins et l’acide malique, entre les deux se trouve la pulpe, riche en sucre et en acide tartrique et malique. Le premier jus de pressurage contiendra davantage de sucre et d’acide, que les jus obtenus après, qui contiendront plus de tanins et de potassium. C’est ce qu’avaient remarqué empiriquement les vignerons du XVIII°, qui ont mis en place le fractionnement des moûts qui est toujours en vigueur aujourd’hui.

Aussi, les jus sont réparés en trois catégories qui seront vinifiées séparément. La cuvée, tout d’abord, constituée du jus le plus riche, et qui donnera des vins de grande finesse avec beaucoup de fraicheur, et une bonne capacité à vieillir. Puis les tailles, aussi riches en sucre mais moins en acides, avec plus potassium et de matières colorantes, qui donneront des vins plus fruités dans leur jeunesse, mais qui vieilliront moins bien. Et enfin la rebêche, qui donnent des vins plus durs, avec moins de corps mais parfois de l’astringence. A signaler, la maison Vranken a développé le concept de « tête de cuvée », ne retenant pour certaines bouteilles que la première fraction de la cuvée.

C’est la tradition Champenoise qui a fixé les quantités extraites, selon un usage local, loyal et constant. En Champagne, les tonneaux, appelés pièces champenoises, font 205 litres. Pour la cuvée, la contenance de 10 pièces est retenue, soit 2050 litres, 20, 5 hectos. Puis deux pièces pour la première taille, et une pièce pour la deuxième taille, soit 6,15 hectos. Au total, 2665 litres de jus pour 4000 kilos de raisin, soit 1 litre de jus pour 1,5 kilo de raisin. Les volumes de rebèches, quand elles sont extraites, sont toujours variables, dépendant des caractéristiques des raisins de l’année.

Cela fait un bon moment que les tonneaux ont été remplacés par des cuves, du moins dans les pressoirs, mais ces mesures ont perduré et sont maintenant dument entérinés par la règlementation contemporaine. Ainsi, la cuvée est toujours strictement imitée à 10 pièces de 205 litres, soit 20,50 hl, et 6.16 hl pour les tailles. La rebêche ne sert pas à faire du Champagne (elle sera utilisée en distillation, ou pour faire un petit vin rouge léger et astringent, destiné à la consommation personnelle, et à boire dans l’année).