13 novembre 2014

Histoire de la maison

Création du vignoble

Gérard Neuville, issu d’une famille implantée depuis de nombreuses générations dans la Marne, a créé le domaine actuel dès les années 60. Ce terrien viscéral, « paysan », comme il aimait à se définir lui-même, travailleur infatigable, était un bâtisseur et un fonceur.

Achetant plusieurs parcelles en appellation, mais encore hérissées des sapins plantés sous Napoléon III, Gérard Neuville entreprit de les défricher, à la chaîne et au tracteur, et d’y planter de la vigne.

La vigne n’était pas exactement une tradition de famille. Robert, père de Gérard, était également un cultivateur, mais il n’élevait pas de vignes. Cependant, il avait construit à Étoges, juste après la Grande Guerre, un pressoir dont il réservait l’usage aux vignerons du village, bien avant que la coopérative viticole ne soit crée. A l’époque, la Champagne était une région terriblement pauvre : les révoltes vigneronnes de 1911 étaient encore dans toutes les mémoires.

Les premières années

La vigne est une plante à la vitalité extraordinaire. Pour autant, elle ne commence à donner du fruit qu’au bout de la quatrième année – on dit « la quatrième feuille ». Pendant ce temps là, il faut assurer la trésorerie avec d’autres sources.

Puis ce furent les premières vendanges. Les amis furent mis à contribution, et l’ambiance des vendanges des débuts, même si le temps était beaucoup moins clément qu’aujourd’hui, a laissé des souvenirs formidables gravés dans beaucoup de mémoires.

Le législateur n’avait pas encore songé à encombrer le code du travail avec les multiples règlements d’aujourd’hui, qui produisent un accroissement tout théorique d’une sécurité dont le bon sens se chargeait auparavant, mais qui ont un impact certain sur la diminution du BNB (bonheur national brut) : il fallait voir le départ de l’équipe, toute entière transportée dans une remorque de tracteur, partir pour les vignes de Barbonne ! Expérience impayable pour beaucoup de ces citadins venus vendanger, mais qui serait interdite aujourd’hui (le transport collectif est limité à 8 personnes par remorque, sous réserve que la remorque soit équipée des dispositifs de sécurité haut de gamme, dûment vérifiés et estampillés par le gouvernement…).

Et les soirées, dans l’arrière-cuisine qui accueillait le soir des vendangeurs trempés, gelés, et affamés pour un dîner roboratifs, que de chants et de joies ! Cinquante ans après, Delphine, Nicolas, Benoît, Christophe, et tant d’autres, vous avez laissé des souvenirs dont Étoges bruit encore. Las, la réglementation est aussi passée par là, et les normes d’aujourd’hui sont devenues telles qu’il n’est plus admis de vous accueillir comme autrefois, ceci à cause de M. Juppé, qui a imposé aux vignerons des normes d’accueil encore plus sévères que celles qui s’appliquent aux sports d’hiver. A croire qu’il n’est pas souvent venu vendanger, le chauve… Résultat, les vendangeurs sont maintenant bien souvent en caravanes ou sous tentes, venus de tous les pays dans lequel l’exploitation de la directive dite « Bolkestein » rend leur emploi rentable. Indirectement, il a fait renaître les négriers, mais ceci est une autre histoire…

La création de la marque

A fil des années, la production s’accroissant, il devenait possible de créer un marque personnelle.

C’est ainsi qu’en 1985 fut créée la marque « Champagne Gérard Neuville ». Premiers essais de dessins d’étiquette, premières recherches de clients, dégustations à la maison…

Dans ces premiers temps, les bouteilles étaient vieillies dans les souterrains médiévaux de la ferme d’Étoges, reconvertis pour l’occasion en cave de vieillissement. Il a cependant fallu, devant l’accroissement des volumes, trouver une autre solution, mais moins pittoresque, mais plus rationnelle. C’est ainsi que les bouteilles vieillissent maintenant dans les installations ultra-modernes de Chouilly.

Un des prestigieux clients de ces premiers temps fut « La Jeanne », navire-école de la Marine Nationale dont la mission principale était de faire chaque année un tour du monde pour amariner les élèves-Officiers. Chacun sait que les marins sont aussi des gourmets avisés, et les cales de la Jeanne furent abondamment pourvues en Champagne Gérard Neuville, au départ de Brest. Un an plus tard, Gérard Neuville reçut un carton d’invitation de la part du Pacha, qui l’invitait à un cocktail, à nouveau à Brest, où furent servies les dernières bouteilles d’un champagne, qui, après un an de cale, ayant subi les vibrations des moteurs et le roulis des mers, et des variations incessantes de température, était devenu d’un or prononcé, mais faisait encore très bonne figure, même auprès des marins !

La seconde génération

gerard

Gérard Neuville a très tôt réfléchi au problème de la transmission du patrimoine foncier, de sa génération à la suivante.

En cette matière comme en d’autres, gouverner c’est prévoir, et Gérard avait fort bien prévu les choses, assurant le passage de témoin à la génération suivante presqu’en franchise de droits de succession. Avec un objectif clairement désigné à la génération suivante : conserver l’exploitation qu’il avait créée dans son unité.

Gérard a rejoint les vignes du Seigneur, le 17 juin 2013.

La suite de l’aventure est désormais assurée par la société familiale constituée de ses enfants, qui gardent à l’esprit non seulement la simplicité qui était la sienne, mais aussi son souci de qualité des produits, son dynamisme, et sa convivialité autour des bulles qu’il avait produit.